Sigolène Prébois et Catherine Levy ont créé la Maison Tsé & Tsé il y a plus de 25 ans. Ce qui ne devait être qu’une aventure temporaire entre deux étudiantes tout juste diplômées de la jeune Ecole Nationale de Création Industrielle (ENCI) a perduré. Et c’est en restant attachées à leurs convictions du début, privilégiant les formes et le savoir-faire artisanal, que l’entreprise s’est développée.
À peine trois ans après sa création, en 1991, Tsé & Tsé rencontre le succès avec le vase d’avril. Au même moment, le duo se lance dans la production de vaisselle : « Nous adorons cela, commente Sigolène Prébois. Nous avions très envie de travailler un modèle d’assiette avec un pied farfelu. L’idée de jouer avec les déformations, de les accentuer pour qu’au final, elles singularisent chaque assiette, nous a enthousiasmé. »
Nous voulions apporter du laisser-faire.
La réaction des fabricants de porcelaine de Limoges qu’elles avaient sollicités s’est révélée au départ à la hauteur de leur appréhension. Cela confirme les deux associées dans leur idée : « C’était très précurseur pour l’époque ajoute Sigolène Prébois. Nous arrivions avec notre regard de designer et une approche très différente des manufacturiers. Nous voulions apporter du laisser-faire ».
Plusieurs entreprises ne souhaitent pas les suivre dans le projet de produire une vaisselle déstructurée. « C’est difficile de faire changer les mentalités. »
Depuis cette époque, les formes singulières de leur collection de vaisselle nommée « Affamée » sont unanimement acceptées et même copiées. Au final, elles ont donc choisi pour la fabrication et la réalisation de la vaisselle un fabricant de porcelaine de laboratoire avant de se rapprocher du créateur Virebent.
Les imperfections comme signe de singularité
Dans les ateliers du porcelainier Virebent, elles retrouvent le côté artisanal propre à l’entreprise. Cela permet la réalisation de pièces uniques, qui allient finesse et solidité. À chaque coulée, on observe des différences comme des imperfections qui sont autant des signes de singularité. « J’adore travailler les formes de nos céramiques nous apprend la designer. Aujourd’hui encore, j’ai envie de continuer de travailler les formes de la collection « Masquée », notre série de porcelaine noire ».
Sur les traces de Boucle d’or
De façon générale, Tsé & Tsé a une logique économe dans sa production nous explique Sigolène Prébois : « Chaque année, nous sortons de nouveaux motifs annuels qui s’ajoutent aux existants et se collectionnent au fil des ans ». Ici pas de surproduction ou plusieurs collections par an.
Ce qui intéresse les créatrices, c’est que leurs pièces traduisent leur personnalité. « Comme dans le conte « Les Trois Ours » avec Boucle d’or qui cherche ce qui lui convient le mieux, quelque chose qui ne soit ni trop grand, ni trop petit, nous sommes en quête de ce qui est « juste », tout simplement ». C’est sur la même base que l’entreprise s’est développée à l’export, principalement en Europe du Nord et au Japon. « À ce jour, nous n’avons jamais réussi à vendre aux Etats-Unis. C’est un problème de taille : les Nord-Américains exigent de la vaisselle qui nous semble gigantesque ».
Les créatrices sont aussi des voyageuses au long cours, où elles puisent leur inspiration. Ainsi, Sigolène Prébois a ramené de ses voyages sur la Route de la Soie des pièces qui lui ont donné envie de créer la collection « Ouzbek » : « J’ai redessiné les chromos de pièces que j’avais achetées là-bas. Et, astuce de porcelainier, je les appose sur la ligne de vaisselle « Affamée » ».
Le « Made in France » autant que possible
Les deux créatrices ont toujours privilégié une approche artisanale de leur métier et sont très attachées à ce que leurs pièces soient produites en France, nous explique Sigolène Prébois. « À l’échelle de notre entreprise, nous ne créons que des petites séries qui sont le fruit d’une collaboration étroite avec nos fournisseurs. Quand nous les rencontrons, nous n’avons -le plus souvent- qu’une idée imprécise de ce que nous voulons. Les pièces que nous créons sont le fruit de ces échanges. »
De ce fait, il leur tient particulièrement à cœur d’expliquer comment les choses sont faites, et pourquoi elles sont en vente à tel prix. « Avec toutes ces années de surconsommation, nous ne connaissons plus le prix réel des choses » regrette Sigolène Prébois.
En plus du savoir-faire français qu’elles défendent, les deux designers sont aussi locavores et privilégient autant que possible les circuits courts : « Nous préférons que ce soit en France, par des gens que nous connaissons, avec moins de conditionnement, et dans les meilleures conditions de travail possible. »
Aujourd’hui, c’est sur ces bases que Sigolène et Catherine cherchent un fournisseur avec lequel elles pourront développer une nouvelle série de couverts de table.